EJM : D’Ange Heureux

C’est à Vitry-sur-Seine, son fief, que l’interprète de « Renegat » revient avec nous sur son parcours dans le Hip-Hop.

Quand à débuté cette histoire, EJM ?

Discographiquement parlant, c’est en 1989 dans « Nous vivons tous dans une ère de violence », première apparition sur disque.

Première apparition scénique : 1983-84, l’émission Hip-Hop avec Sidney. On danse, on smurf, on break.

L’explosion c’est 1988-89, c’est « Le Deenastyle » sur Radio Nova. Je vais kicker dans cette émission. Je rappais partout dans le 94, avec Doudou Masta, Sulee B Wax, Les Little. On était dans un délire de Hip-Hop. On dansait, on chantait, on déconnait… (rires). C’était une énergie urbaine. Fallait trouver un truc. Avec le truc qu’on avait, on pouvait soit faire des concerts, ou rentrer dans des endroits gratuitement. Dans des endroits où on payait tout le temps. Il fallait trouver des tunes, et ça nous donnait un rêve. C’est ça le début de l’histoire.

Quelle a été ta motivation à rapper ? Est-ce une influence d’un groupe, ou un message à délivrer pour toi ?

Y’a pas d’orientation. On rappait, on dansait pour s’éclater. Mais on nous a pas forcément pris au sérieux. On a vu qu’on pouvait figurer parmi cette multitude d’artistes, dans le paysage français, car on avait vu que c’était cette musique, cette culture, que notre entourage kiffait et plébiscitait.

Crédit photo : Sonia Blin

Quelle importance accordes-tu à l’indépendance et à l’originalité dans ton art ?

L’indépendance c’est de pouvoir, comme je le fais depuis le début, être avec des gens indépendants. La musique tu l’as créée avec des gens qui ont un esprit de composition, un esprit de musicien. Tous les albums que j’ai réalisés, c’était avec ce genre de personnes que je les ai faits, notamment « La Rue Et Le Biz ». Je l’ai programmé avec un type qui s’appelait Leto. Il faisait partie d’un groupe qui s’appelait Les Éponges. Il avait fait une reprise de « Get on Up » de James Brown, qui s’appelait « Lève toi et monte dessus… ». Un guitariste qui avait baroudé, qui a rencontré Larry Fishbird, qui était au départ un videur de boîte. Quand tu fais des morceaux comme ça, tu penses musique.

Beaucoup de gens se contentent de faire comme, de suivre les traces de leurs influences.

J’ai eu la chance, un moment, d’avoir une maison de disque qui m’a permis d’être en relation avec un compositeur/programmateur que j’ai pu choisir, au lieu de n’être enfermé que dans des histoires de sampling et basse/batterie. Si t’as pas cette chance, c’est plus complexe de faire un album comme « La Rue Et Le Biz » pour l’époque.

Est-ce que tu utilises encore des samples pour la composition de tes chansons ?

Ce qui est bizarre, c’est que je créé mes morceaux plutôt avec des musiciens, ou alors on fait rejouer les morceaux, disons, j’ai un délire de live band.

C’est la musique qui t’appelle ?

Y’a ce côté-là. J’ai une façon de travailler. Mais je suis aussi un mec de l’undergound mainstream. Donc si un producteur fait des sons boom bap avec des machines, je viens en mélodiste et je fais ça.

J’ai pas cet esprit de MC/producteur comme beaucoup font. Ils décident de faire leur beat et utilisent des logiciels style Protools, Logic Audio, etc… Je conçois ça, car les mecs se sont mis à composer leurs instrus, plutôt que de demander à un DJ. Un DJ pour moi est un musicien aussi, et un producteur.

Crédit photo : Sonia Blin

Te sens tu prisonnier d’une case, d’une étiquette ?

Je sais pas… Je ne suis pas prisonnier d’une case ou d’une étiquette, précise ta question. Quels sont les mots, les étiquettes auxquelles tu penses ?

Rappeur oldschool, hardcore, engagé… ?

Y’a des gens d’une certaine époque pour qui je suis le premier rappeur qui, en 1989, devient un artiste qui fait des textes engagés avec le morceau « Nous vivons tous ».

En 1990, je sors un titre « Elément dangereux » sur « Rapattitude » (disque défini première compilation de rap en français) qui est entre de l’ego tripping, et un texte engagé. Après sors « Je veux du cash » qui est mon premier maxi.

Donc si après tu essaies de comparer les choses, y’a les critiques qui vont de tous bords. C’est soit t’aimes soit t’aimes pas.

Après y’a le mini album « EJM : Etat de choc » , où il y a « Renégat » et « Black and Proud » qui sont teintés d’un côté revendicatif, qui plus est black… Puis quand arrive « La Rue et le Biz », qui est un album beaucoup plus musical, y’a cet esprit, pour certains, d’ouverture. Même si je l’ai pris comme il a été chroniqué et pas comme j’avais envie de le vivre.

Le dernier opus que j’ai fait, c’est en 1996-97, ça s’appelle « Controverse ». Parce que tout ça, pour moi, c’était de la controverse.

C’est un disque avec le G’Squat sous mon label indépendant G’Prod. Essentiellement un album solo où apparaissent des artistes comme Delta et Weedy de Expression Direkt, Donmeto et Vokal du groupe Yakouza de Bagneux (Proches d’Explicit Samouraï), et aussi Doc Sky de Timide et Sans Complexe. Donc un projet où je m’attèle à faire un son assez dans mes ambiances, où on programme dans un esprit zikos mais Hip-Hop, basse, batterie et sampling. C’est un album que je regrette pas du tout et, d’ailleurs, j’ai des morceaux, suite de ce projet, que je livrerai bientôt au public.

Beaucoup d’artistes viennent de ces coins-là : Bagneux, Clamart, Châtillon, Vitry ?

Pour la petite histoire, je côtoie les New Generation Mc. Lorsque je les rencontre la première fois, je rencontre JMJ (Too Leust par la suite) au Globo. Il me donne rendez-vous à Tillonch’ (Châtillon) pour rencontrer son groupe. Ensuite je reviens avec Sulee B Wax (qui fera Les Little) et Doudou Masta TSC (qui fera Timide et Sans Complexe), et on forme ensemble un collectif appelé M.A. (Mouvement Authentik). Ce sont les premières aventures dans le 92. On allait à Clamart, à Bagneux et Châtillon, et tout cela donne lieu à créer des liens, à pleins de connexions, avec plein d’autres groupes. Cristo le Barbare (de Démocrates D) était aussi à Bagneux par exemple.

C’est bizarre, tu vois, y’a des gens que tu peux connaître, qui ont maintenant des carrières musicales, et qui viennent de ces endroits où on se rencontrait. Comme le quartier de la pierre plate à Bagneux.

Crédit photo : Sonia Blin

La Connexion avec Dee Nasty, « Le Deenastyle », ça a créé plus de connexions ?

C’était plus l’arène et le respect de rencontrer des mecs qui étaient forts, où il fallait montrer que tu cartonnais. C’était pas rien. J’ai quand même rencontré Iron 2 et Shoe, MC Joel, Nec Plus Ultra, Lionel D, le MC de l’émission. Mais attention c’était lourd Le Deenastyle! Y’avait MC Solaar, DJ Seeq, et les mecs de Créteil. Des gens de tout partout, c’était la première école!

L’âge dans le Hip-Hop, c’est important pour toi ?

Tes questions sont tournées d’une manière… Je sais pas si l’âge est important dans le Hip-Hop, juste si tu le ressens ou si tu le ressens pas. Maintenant à l’âge que j’ai, vu qu’on dit je suis un pionnier dans le Hip-Hop, ils ont la chance de se dire que ça existe depuis longtemps maintenant.

Un message pour les plus jeunes ?

Pour les générations futures, continuez à créer et à développer. Comme dans Star Wars, tu as l’histoire de Ian Solo, c’est un peu l’histoire d’EJM!

Un objet symbolique ?

Le feu, un briquet, voilà ce qui me représente!

Ta plus grande peur ?

J’ai pas vraiment peur de mourir, j’ai peur de Dieu. J’aimerai bien partir propre… Je voudrais pas partir comme ça, avec une image de salopard. Je voudrais laisser une image d’un gars spécial, mais avec un bon délire.

Un dernier mot ?

Je détiens le zéro.



Pour aller plus loin…


Retrouvez l’interview en audio, au Sub à Vitry, ici :